Deux jeunes jugés hier en marge des violences urbaines qui ont frappé Amiens (Somme) ont été condamnés à huit et dix mois de prison avec sursis.
Le procureur avait réclamé des peines de prison ferme, les avocats des prévenus une justice équitable. Le tribunal correctionnel d’Amiens a finalement infligé hier après-midi des peines de prison avec sursis à l’encontre de deux prévenus interpellés jeudi au lendemain des violentes émeutes survenues dans les quartiers nord d’Amiens.
Des jeunes décrits comme perdus
Le procureur de la République adjoint, Eric Boussuge, a requis six mois de prison ferme avec mandat de dépôt tout en reconnaissant que leur profil est bien éloigné de celui « des jeunes casseurs de banlieue. Ce sont des jeunes gens perdus », dépourvus de toute « motivation contestataire ».
Le jugement a été accueilli avec soulagement par les deux prévenus, qui savent à peine lire et écrire. Christopher, les larmes aux yeux durant une partie de l’audience, vit chez ses parents. Ce jeune gringalet, élève dans un institut médico-éducatif, est désormais à la recherche d’un emploi. Son copain Wilfried, un chômeur sous tutelle, qui bénéficie de l’allocation aux adultes handicapés, a des penchants pour l’alcool.
Les deux soirs, c’est lui qui a mis le feu aux poubelles après une rupture amoureuse mal vécue : « J’étais énervé », justifie-t-il. « J’ai fait le guet. J’ai pas voulu intervenir. J’avais peur de sa réaction », reconnaît de son côté Christopher. Les violences urbaines, les deux comparses les auraient observées de loin.
Les appels « à la raison » de leurs avocats, qui dénonçaient « l’emballement médiatique », ont donc été entendus : « Ça fait une semaine que cette ville vit au rythme d’une frénésie médiatique, a souligné lors de sa plaidoirie Me Guillaume Demarcq, conseil de Christopher. J’entends bien qu’on veuille des résultats en matière de sécurité. Mais mon client n’a jamais fait parler de lui. Devant votre tribunal, la raison doit l’emporter. »
« Ce n’est pas un gros poisson réclamé par le ministre de l’Intérieur, a ajouté Me Stéphane Diboundje, avocat de Wilfried. C’est la première fois que je vois autant de journalistes pour un simple feu de poubelles! »
Quant au jeune homme de 27 ans surnommé Shrek, qui devait également comparaître hier après-midi, il sera finalement jugé le 12 septembre, son avocat estimant qu’en raison du contexte, il ne pourrait bénéficier d’une « justice équitable aujourd’hui » (NDLR : hier). Selon l’accusation, des témoins l’ont entendu, dimanche soir dernier, inciter des jeunes à la violence devant les forces de l’ordre : « Venez, venez. Ramassez des cailloux. Faut les niquer. Vous allez voir demain, ça va être la guerre. On va vous tuer, bande de bâtards. » Dans l’attente de son jugement, il a été placé sous mandat de dépôt à la maison d’arrêt de Liancourt (Oise).
Isabelle Boidanghein