« Oui, nous protestons contre les violences que subissent nos collègues depuis des semaines. Oui, nous dénonçons les accusations insupportables lancées contre eux par des extrémistes et par la CGT qui contribuent ainsi à la violence ! » Les policiers, aussi, en ont ras le bol. Et veulent le dire. Alors qu’avait lieu ce mardi la sixième journée nationale d’action contre la loi Travail, les forces de l’ordre sont appelées à se rassembler ce mercredi midi devant les commissariats du pays, dont ceux d’Amiens, de Beauvais et de Saint-Quentin. Pour dire « stop à la haine anti-flic » cristallisée autour de cette réforme.
En Picardie, les incidents en marge des cortèges sont restés mesurés jusqu’ici par rapport à d’autres régions. Les policiers n’ont pas déploré de blessé parmi les 300 en France. Il n’empêche, les syndicats entendent quand même obtenir « des moyens, des instructions claires et un total soutien des institutions », résume Unité SGP Police du Nord-Picardie.
« Faire taire toute contestation »
« J’ai demandé aux forces de l’ordre d’agir avec la plus grande fermeté en cas de débordements et d’interpeller chaque fois que nécessaire », a justement rappelé ce mardi le préfet de la Somme, « après plusieurs incidents en marge des dernières manifestations ». En l’espèce, il s’agissait de l’envahissement de l’hôtel de ville d’Amiens le 28 avril, pour lequel deux jeunes manifestants comparaîtront en justice ultérieurement. Et d’une opération de taggage (à la peinture) en centre-ville le 9 mai, à l’issue duquel deux autres jeunes ont été condamnés à quatre mois de prison avec sursis.
Au-delà de cette seule loi, c’est bien la violence en général qui préoccupe. « Après les attentats, nous avions gagné un regard bienveillant. Aujourd’hui, nous sommes dans le viseur. On est en état d’urgence. On doit surveiller les lieux de cultes et scolaires. Vu l’investissement et la fatigue des policiers depuis de longs mois, il faut être vraiment très pro pour ne pas déraper », prolonge Stéphane Fievet, délégué d’Unité SGP pour la Somme. Qui réclame que « les sacrifices » soient maintenant récompensés. « Alors que les enseignants auront 800 euros dès septembre, les policiers n’auront que 7 euros en janvier. Q uelle est la reconnaissance pour la pénibilité et la dangerosité du métier de policier ? », compare son syndicat.
« D ernièrement des collègues se sont fait tirer dessus avec des armes à grenaille durant une opération anti-stup à Beauvais », illustre Didier Legrand, secrétaire du syndicat Alliance dans l’Oise. « Cet acte de délinquance isolé » n’a pas fait de blessé. Mais « il a traumatisé les policiers ». « De plus en plus en plus de collègues sont blessés en intervention. Quatre lors de rébellions ces trois dernières semaines à Soissons. Nous sommes de moins en moins nombreux sur la voie publique. Le rapport de force est de plus en plus tendu », appuie Éric Sauvage, son homologue dans l’Aisne.
Cette violence, les manifestants la déplorent eux aussi. « Les forces de l’ordre nous ont frappés avec leurs boucliers, matraqués, jetés au sol, écrasé le visage, un manifestant a perdu une dent. Un autre a plusieurs points de suture, plusieurs ont subi des traumatismes », affirme une pétition (sur change.org) lancée suite à l’évacuation de la mairie d’Amiens.
« Il ne faut pas prendre tout ce que disent les manifestants pour argent comptant », tempère Stéphane Fievet. Qui rappelle aussi que quelques casseurs sont présents à Amiens. « Le gouvernement tente de faire taire toute contestation. Des manifestants ont subi des provocations et ont été victimes d’agressions policières », maintenait en tout cas, lundi, l’intersyndicale CGT-FSU-Solidaires-UNEF-UNL, au travers d’un communiqué. Intitulé « Halte à la répression », il y était question de « droits de haut niveau pour tous ». Mais pas du tout des conditions de travail des forces de l’ordre.