Deux avocats amiénois ont obtenu vendredi la remise en liberté de leurs clients, après avoir dénoncé une procédure de bric et de broc attentatoire aux libertés.
Au départ, il y a une bagarre sur fond de rivalité amoureuse. Pas de quoi mettre en émoi l’audience des comparutions immédiates de vendredi, qui étire mollement ses heures postprandiales vers la promesse du week-end quand sont traînés dans le box Laurent et Anthony, 46 et 24 ans, prévenus de violences en réunion et d’outrages à agent.
Le 20 août, des passants signalent la présence dans le quartier amiénois d’Étouvie d’un jeune homme au visage ensanglanté. Renseignement pris, il s’avère que le julot a rendu une visite vespérale à son ex-petite amie. Il est tombé sur son remplaçant, Anthony. Barre à mine d’un côté, poing américain de l’autre (et renfort de l’ami Laurent) : c’est ainsi que le jaloux s’est retrouvé à suinter son hémoglobine sur la voie publique.
Là-dessus, interpellation de Laurent et Anthony (mais pas du troisième combattant), garde à vue, présentation devant le parquet, comparution devant le juge des libertés mercredi en fin d’après-midi, placement en détention provisoire, convocation devant le tribunal vendredi.
En théorie, ça tient du papier à musique. Sauf qu’avant-hier, le président Taboureau grimace en mettant la main sur le dossier : « Je crois qu’on va avoir un problème, je n’ai pas vu d’avis à victimes ». La procureure Françoise Dale en convient : « On ne peut pas juger aujourd’hui. Il va falloir renvoyer ». Dans la foulée, elle réclame le maintien en détention d’Anthony.
Son avocat Me Stéphane Daquo devient alors rouge de colère : « C’est honteux et scandaleux ! Qui n’a pas prévenu les parties civiles ? Ce n’est pas lui et pourtant, c’est lui que l’on veut envoyer en détention ! Déjà que l’on n’a pas pu comparaître mercredi… »
L’avocat est obligé d’aborder le fond : « Un autre – l’ex concubin de sa copine actuelle – vient chez lui, en pleine nuit, armé d’une barre de fer. Cet autre, aujourd’hui, n’est pas convoqué. Quand je l’ai fait remarquer au procureur de permanence, elle m’a répondu « désolée, j’ai travaillé sur un compte rendu téléphonique ». Ce dossier n’est ni fait ni à faire ! »
M e Stéphane Diboundje lui succède et n’y va pas davantage par quatre chemins : « Je dis que ces deux personnes sont détenues arbitrairement depuis deux jours ». Pourquoi ? Parce que l’article 396 du code de procédure pénale dit que « si la réunion du tribunal est impossible le jour même et si les éléments de l’espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire, le procureur de la République peut traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention ».
Problème : quand les deux hommes ont été placés en détention le mercredi, à 18 h 23, l’audience de comparution immédiate battait son plein. Elle ne devait s’achever qu’après 21 heures. « On a violé les dispositions du Code uniquement en raison de contingences horaires », s’enflamme M e Diboundje, sous-entendant que deux hommes sont partis en prison parce que d’autres – des magistrats – ne voulaient pas regagner trop tard leurs pénates.
Après cette passe d’armes, les juges ont décidé de remettre en liberté Laurent et Anthony en attente de leur jugement, le 11 septembre. « J’en profiterai pour faire délivrer une convocation par officier de police judiciaire à la troisième personne impliquée dans cette affaire », a annoncé Mme Dale.
TONY POULAIN
Source Le Courrier Picard