Trois ans plus tard, et malgré plusieurs plaintes, rien n’a été fait pour nous rendre justice.
Le 23 mai 2011, mon frère Jimmy s’est pendu dans un bois de la ville de Boves. Ce jour-là, et comme ma mère s’inquiétait de son absence, je me suis rendu à ce bois où je savais qu’il avait l’habitude d’aller. C’est sur place que j’ai constaté la présence du SAMU, des pompiers et des gendarmes. Un médecin du SAMU est alors venu me voir pour m’informer que Jimmy était décédé.
Quelques mois plus tard, alors que nous commencions à faire notre deuil, j’ai appris par ma RH que mon frère était passé à la télévision. Le 19 septembre 2011, le corps de mon frère était en effet apparu dans une émission portant sur le travail des médecins légistes.
Un reportage sordide
Dans ce reportage, je le découvre sur la scène de son suicide, complètement nu, en train de subir des examens. Son visage est flouté mais on reconnaît facilement son corps grâce à ses tatouages. De même, on voit sa voiture et on coupe la corde autour de son cou avec le couteau qui lui appartient : deux éléments que toutes les personnes qui connaissaient mon frère pouvaient facilement identifier. Dans le commentaire, la journaliste précise bien la date et le lieu du drame. Or, au mois de mai 2011, il n’y a pas 50 personnes qui se sont pendus à cet endroit, il n’y a que mon frère et tout le monde le sait. Le fait de flouter son visage ne suffit pas à ce qu’on ne le reconnaisse pas.
L’ambiance du reportage est sordide. Il est clairement fait pour l’audimat. A un moment, un téléphone sonne et le commentaire se demande si c’est la famille qui appelle… Alors que je suis à quelques mètres, sur le lieu du drame. On entend également les médecins faire des pronostics de taille sur mon frère, dans une ambiance joviale. A un moment, son corps est retourné et on voit le médecin prendre la température rectale, c’est choquant pour nous ! Ils font aussi un plan sur le pied de Jimmy, pendu depuis une quinzaine d’heures, avec des mouches à merde. Montrer tout ça est un manque de respect pour la famille.
Les méthodes de la journaliste
Quand j’étais sur les lieux, je ne me suis pas rendu compte de la présence de la journaliste. Mais une autre famille concernée par ce reportage témoigne des méthodes qu’elle a utilisées pour avoir accès au lieu du drame. Dans leur cas, c’est une femme qui était décédée à l’intérieur de son domicile. Pour pouvoir y entrer, la journaliste se serait alors fait passer pour l’assistante du médecin légiste.
Elle aurait filmé avec un petit appareil photo. Il n’y avait pas de grosse caméra réellement identifiable. La justice devra déterminer comment les images des différentes scènes de décès ont été filmées.
La procédure en cours
Ma mère, mon frère et moi avons décidé de porter plainte en 2011. Trois ans plus tard, rien n’a été fait. Le 17 mars 2014, le procureur de la République a dit à notre avocat, Maître Stéphane Diboundje, qu’il n’entendait pas prendre l’initiative des poursuites, c’est-à-dire que c’était à nous de nous constituer partie civile.
Depuis trois ans, on nous balade. On a rencontré des procureurs, des avocats, des policiers… Tous nous disent qu’ils vont s’occuper de notre affaire, nous dire pourquoi ce reportage a été tourné et pourquoi aucune autorisation de tournage ne nous a été demandée.
Aujourd’hui, je veux savoir pourquoi la justice est si lente, pourquoi on ne nous dit pas qui a donné les autorisations de tournage et pourquoi les personnes qui ont réalisé ce reportage ne viennent pas s’excuser. On n’a même pas eu d’excuses. Au bout de trois ans, on n’a rien.
Source ma vérite sur