«Je suis là, mais ça ne sert à rien. C’est une mascarade. » Farid (prénom d’emprunt), 33 ans, vient de comparaître durant quatre jours devant deux cours d’assises, une pour mineurs ( mardi et mercredi ), l’autre pour majeurs ( jeudi et vendredi ), à Amiens. Marié et père, cet homme a dû faire face à son passé : celui du délinquant qu’il était à 17 ans. Seize ans se sont écoulés : six ans de détention provisoire et dix de liberté. Autant dire qu’il n’est plus le même. Les jurés se sont retrouvés face à un homme- chauffeur-livreur, président d’une association soucieuse de l’insertion des jeunes?- mais ont dû juger l’ado de 17 ans.

cet âge-là, Farid vit dans un quartier chaud de Villers-Saint-Paul (Oise). En 1999, la cour d’assises des mineurs de Beauvais le condamne à 14 ans de prison pour divers faits datant de1994 : vols avec arme, vols et destructions de véhicules.

En 2000, la Cour de cassation annule l’arrêt pour erreur de procédure. Il sort de prison en octobre 2000. Et plus rien, jusqu’à sa convocation fin 2009.

« quelques mois près, il y avait prescription», soulignait hier Me Stéphane Diboundje, son avocat. Mais voilà, Farid a passé six ans en détention provisoire. «Il faut prononcer une peine. Ce n’est pas satisfaisant de rester dans du provisoire. Je vous propose quatre ans, pour dire que les faits reprochés sont graves, mais lui éviter une réincarcération», a plaidé le procureur. Car mercredi , la cour d’assises des mineurs l’avait condamné à deux ans de prison pour d’autres faits. La peine couvre ainsi les six années déjà exécutées.

«Du jour au lendemain,

vous passez de simple employé à ancien braqueur»

«Ce n’est pas une simple formalité pour refermer un dossier resté trop longtemps ouvert», analyse l’avocate générale. Cinq vols de véhicules, six vols à mains armés et une destruction de véhicule lui sont reprochés. «Il a commis des braquages, reconnaît son avocat. Mais il ne mérite pas d’être condamné pour quelque chose qu’il n’a pas fait. Nous avons trois motifs certains pour renvoyer ce dossier devant la Cour européenne des droits de l’homme», assure Me Stéphane Diboundje.

Quarante-cinq minutes plus tard, le verdict est rendu. En quatre jours, Farid a été condamné à six ans de prison et acquitté dans l’affaire à laquelle il niait avoir participé. Il ne retournera donc pas en prison. «Malgré tout, ça a un impact, lâche l’accusé, sur l’employeur, la vie de famille, les amis à qui on n’a pas envie de dire ce qu’on a fait il y a seize ans. »

«Imaginez, du jour au lendemain, vous passez de simple employé à ancien braqueur aux yeux de votre patron. Ça peut tout changer», commente son avocat.

Aujourd’hui, tous les efforts d’une réinsertion réussie peuvent voler en éclats. Mais la justice a rendu un verdict.

SOURCE : COURRIER PICARD