Sonia, 40 ans, est jugée ce lundi à Compiègne, soupçonnée d’avoir profité de la faiblesse d’un notable nonagénaire pour lui soutirer entre 350 000 et 700 000 euros. Elle témoigne.
Sonia est éprouvée. Elle ne cesse de pleurer. Pour la première fois de sa vie, cette femme de 40 ans s’est retrouvée derrière les barreaux, entre le 30 octobre et le 25 novembre derniers. Ses avocats, Mes Diboundje et Delarue, ont obtenu sa remise en liberté devant les juges de la cour d’appel d’Amiens avant son procès, qui a lieu ce lundi.
Sonia est soupçonnée d’avoir profité de la faiblesse d’un vieil homme, entre 2011 et 2015, pour se mettre entre 350 000 et 700 000 euros dans la poche. La famille du nonagénaire réclame 690 000 euros de dommages et intérêts.
« C’est une injustice totale ! », s’emporte Sonia. La jeune femme explique avoir rencontré cet homme, âgé de 90 aujourd’hui, par le biais de son père, ancien combattant, « lorsque j’étais porte-drapeau ». « Il a expliqué qu’il avait besoin de quelqu’un. Nous avons créé un lien progressivement. Il était sympathique, cultivé. Il avait un grade de colonel, je le respectais. Je l’écoutais, et il me faisait plaisir ». L’homme, colonel de l’armée en retraite, touchait 6 000 euros mensuels.
Sonia s’occupe de lui. Auxiliaire de vie non déclarée, elle lui fait le ménage, l’épaule dans toutes les tâches du quotidien, mais pas seulement. « Il voulait que je l’accompagne dans des sorties, dans de grands restaurants, des endroits où je ne serais jamais allée ». L’homme, qui ne manque pas d’argent, est très généreux avec la Compiégnoise : 4 000 euros par mois, plus des cadeaux, une voiture notamment.
La famille du nonagénaire voit cela d’un mauvais œil. Des plaintes sont déposées. Elles sont classées sans suite. Et pour cause : les expertises indiquent que le vieil homme a toute sa tête. Aux enquêteurs, il explique que s’il est aussi généreux, c’est sciemment. Il indique que sa famille ne s’occupe pas de lui, qu’il a le droit de faire ce qu’il veut de son argent.
Tout bascule en octobre dernier. Une nouvelle expertise conclut que la santé mentale du vieil homme a évolué. Il est placé sous curatelle. Dès lors, la machine judiciaire se remet en route. Et les précédentes procédures sont ressorties du placard. Pour le parquet, l’abus de faiblesse ne fait aucun doute : « La victime n’était même plus en mesure d’honorer certaines dépenses, comme le paiement de la pension de son épouse, alors en maison de retraite », a dit le procureur lors de la précédente audience.
Sonia est menottée alors qu’elle rentre chez elle, placée en garde à vue, puis présentée en comparution immédiate, procédure extraordinaire dans une affaire d’abus de faiblesse. L’affaire est renvoyée, elle est incarcérée en attendant la nouvelle date d’audience.
« J’ai toujours été à sa disposition »
« Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. J’ai toujours été à sa disposition, sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Je n’ai pas pris de vacances pendant 5 ans. Je m’inquiétais des procédures lancées par sa famille, il me rassurait, me disait de laisser tomber », explique la jeune femme, toujours en pleurs. Le nonagénaire aurait pu être le premier de ses défenseurs. Mais placé sous curatelle, il ne sera pas à l’audience.
Sonia tremble à l’idée d’une condamnation : « J’aimerais que justice soit faite. Que la vérité soit dite. Je n’ai rien à me reprocher ».