Après plus de huit heures de délibération, l’émotion était immense à l’annonce du verdict. Deux familles se sont effondrées. La victime et ses proches, comme depuis le premier jour, sont restés silencieux, plongés dans leur pudeur.
Trois des six protagonistes déférés ce jeudi soir
Ils avaient tous fait environ six mois à un an de détention provisoire. Si trois d’entre eux encouraient vingt ans de réclusion pour destruction par incendie (ou complicité) ayant occasionné de graves blessures, reste que les peines prononcées renvoient trois des six accusés derrière les barreaux, plus de six ans après les faits.
– L’instigatrice : Justine Sangnier, contre laquelle 4 ans de prison avaient été requis, devra purger une peine de cinq ans, dont un an avec sursis et mise à l’épreuve. Son avocat Me Jean-Yves Moyart, convaincu de sa pleine innocence, avait demandé l’acquittement.
– Le frère protecteur : il a porté le premier coup, peut-être d’autres. Poursuivi pour violences aggravées (par l’usage d’armes, la réunion et la concertation), Joseph Sangnier a écopé de quatre ans de prison – contre trois requis. Le sursis d’une précédente peine a été révoqué, d’où le déferrement.
– L’incendiaire : l’ex-conjoint de Justine Sangnier a reconnu avoir répandu l’essence, mais nie être à l’origine du feu. Alexandre Bouchez écope de cinq ans de détention.
– Les amis coupables, mais repartis libres : aucune préméditation n’a été retenue contre eux. Et la détention provisoire effectuée est à prendre en compte. Thierry Larivière, coupable d’avoir porté le bidon d’essence, a écopé de trois ans de prison dont trente mois avec sursis ; Souliman Camara, qui montait la garde, de douze mois de prison dont six avec sursis ; Laurent Boinet, de dix-huit mois. Aucun élément ne permet de penser qu’il a porté des coups.
Des dommages et intérêts seront réclamés par la partie civile. L’affaire va être renvoyée devant une juridiction civile.
Retour sur quelques moments marquants du procès
Six jours d’audience. Dix-neuf témoins appelés à la barre. Des experts, des proches, des amis, des témoins directs de la scène du 14 décembre 2009…
> « Il arrachait sa peau comme de l’élastique ».- Lundi à la barre, des témoins directs se remémoraient la terrible scène de leur ami sortant, en flammes, du camion. « Son tee-shirt était complètement déchiré. Il y avait du sang partout. Il hurlait de douleur. On a essayé de le réconforter » ; « Il arrachait sa peau comme de l’élastique » ; « Je l’ai éteint, j’ai pratiqué les premiers soins. » Une autre amie parle des souffrances : « Quoi qu’il se passe dans une relation, on ne peut pas faire ça à un être humain. Il a été charcuté sur tout le corps. »
> Suspension d’audience.- À la vue des photos prises après les faits et présentées mardi à la cour par le médecin légiste, l’incendiaire du camion a fait un malaise. L’audience a dû être suspendue. Me Bahmed, avocate de la partie civile, confiait en aparté que la petite amie actuelle de la victime a été extrêmement choquée. « Ils ne se connaissent que depuis deux ans. »
> « Il a senti être arrosé ».- L’avocat général revient sur le lynchage, et l’épandage d’essence : « Avant le feu, il a senti être arrosé. Il est légitime pour lui de croire qu’on a voulu le tuer. »
> « Ne pas créer des monstres à tout prix ».- « Il n’y a pas lieu de vouloir à tout prix créer des monstres », insiste l’avocat général, allusion aux différents témoignages mettant l’accent sur la supposée violence de la victime. « La relation entre l’accusée et la victime a été complexe, désagréable. Mais le monstre manipulateur, ici, on ne le retrouve pas. »
> Pendant les faits, elle appelait le commissariat.- C’est la maman de la jeune femme et son frère. « J’avais peur que ça ne se passe pas bien. J’ai essayé d’avoir le commissariat d’Arras. Pendant trois quarts d’heure. On m’a dit de rappeler car il y avait une urgence. Et là, on m’a appris que ça s’était mal passé. »
> « Désinsérer » six ans après les faits.- « Ce n’est pas avec une satisfaction particulière que je vais requérir car je crois que parmi eux, il y a des gens bien », a déclaré l’avocat général, regrettant l’allongement des délais, « dommageable pour tout le monde. » Six ans après, il s’agit de « désinsérer » les intéressés par une nouvelle incarcération, ont aussi déploré les avocats de la défense.
> « Un choix judiciaire et sociétal ».- Rebondissant sur ces réquisitions, Me Fanny Malbrancq (barreau d’Arras) et Me Stéphane Diboundje (barreau d’Amiens), défendant tous deux la cause de l’incendiaire : « Il y a un choix judiciaire à faire, mais aussi un choix sociétal. Six ans après les faits, il est réinséré, a reconstruit sa vie, a un enfant. Imaginez l’image que vous renverrez. »
> « La préméditation à exclure ».- C’était l’une des grandes questions du procès. Me Diboundje aura conclu cette longue succession de plaidoiries sur une conviction : « Comme tous mes confrères, je suis certain que la préméditation est à exclure. Il y a eu l’effet de groupe. Et un moment de panique, qui a fait que personne ne savait que la victime se trouvait encore dans le camion. »
( Source : La Voix du Nord )