Amiens. L’énorme souffrance de la mère d’Antonio, disparu : « L’incertitude me rend malade »

Alors que des suspects ont été mis en examen pour assassinat en mai dernier après qu’Antonio Vicente Nzuzi a disparu un an plus tôt, sa mère attend la vérité sur ce qu’il s’est passé.

Valéria Kiabanza, 52 ans, vit seule avec les quatre petits frères d’Antonio à Cachan (Val-de-Marne) après avoir habité de longues années à Amiens.
Valéria Kiabanza, 52 ans, vit seule avec les quatre petits frères d’Antonio à Cachan (Val-de-Marne) après avoir habité de longues années à Amiens. – GAUTIER LECARDONNEL
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Par GAUTIER LECARDONNELPublié:5 Août 2024 à 19h46Temps de lecture:1 minPartage :

Je refuse que vous disiez que mon fils est mort. Il faut continuer votre travail », a-t-elle dit au juge d’instruction qui l’a reçue dans son bureau.

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Valéria Kiabanza, 52 ans, est une femme brisée. Sa vie a basculé brutalement lorsque le 18 juin les messages de condoléances ont afflué. Un article venait de paraitre dans le Courrier picard annonçant que suite à la mystérieuse disparition depuis plus d’un an à Amiens d’Antonio Vicente Nzuzi, deux hommes avaient été interpellés et mis en examen pour assassinat. Le choc a été immense pour la mère de famille qui n’avait pas encore reçu d’informations des autorités à ce sujet. Mme Kiabanza ne veut pas de condoléances : « Je veux la preuve qu’il a été assassiné. Pour l’instant, je ne l’ai pas. Je veux la vérité. ».

Antonio Vicente Nzuzi, 22 ans, était revenu à Amiens pour travailler avec des associés dans une société de palettes et dans un restaurant.
Antonio Vicente Nzuzi, 22 ans, était revenu à Amiens pour travailler avec des associés dans une société de palettes et dans un restaurant.

Aucun corps n’a été retrouvé. Mais la justice a estimé qu’il existait suffisamment de soupçons, que les enquêteurs avaient rassemblé suffisamment d’éléments pour que deux hommes soient interpellés le 28 mai dernier puis mis en examen. Comme le Courrier picard l’avait révélé, il est établi que le téléphone d’Antonio a cessé définitivement d’émettre alors qu’il se trouvait sur le secteur boisé et marécageux de Fleury, près de Conty (Somme). Ceux de deux hommes avec qui il était en affaires dans une société de recyclage de palettes et d’un « restaurant lounge » bornaient au même moment au même endroit avant de revenir à Amiens.

Mon fils ne m’avait parlé de rien, il ne m’a pas dit qu’il avait des problèmes ou une dette. Il m’avait seulement dit qu’il avait pour projet de créer sa propre société.

Valéria Kiabanza

Et puis l’un des salariés a avoué à la police être allé dans l’Oise peu de temps auparavant pour aller leur acheter une arme de poing, à leur demande. Cet homme est en détention, tout comme l’un des associés. Le deuxième est en fuite. « Mon fils ne m’avait parlé de rien, il ne m’a pas dit qu’il avait des problèmes ou une dette. Il m’avait seulement dit qu’il avait pour projet de créer sa propre société. Et je croyais que c’était pour cela qu’il cherchait de l’argent. Il m’a demandé si je pouvais faire un prêt à la banque. Il a aussi sollicité d’autres personnes pour se faire prêter de l’argent », explique Valéria Kiabanza.

Selon elle, Antonio a fait la connaissance des suspects lorsqu’il était lycéen, interne dans un établissement d’Albert. Il a grandi à Amiens avant de suivre sa mère en région parisienne en 2017. En 2022, il a été sollicité pour revenir à Amiens et s’investir dans cette société de recyclage de palettes. Après qu’il a soudainement disparu le 7 mai 2023, Mme Kiabanza a passé de très longs mois à se morfondre, et elle « se posait des questions » sur les associés de son enfant. « Jamais ils ne m’ont appelé. C’est comme s’ils n’avaient pas envie d’en parler. ». Et puis il y a eu cette réflexion de l’un d’eux au téléphone, plusieurs mois après la disparition, qui encourageait cette dame à ne rien attendre de l’enquête policière : « Il m’a dit que de toute façon, personne n’allait s’occuper du dossier, parce que problèmes de Noirs ne les intéressent pas ».

« Ma cliente fait toute confiance à la justice pour mener à bien les investigations nécessaires », indique Me Stéphane Diboundje.
« Ma cliente fait toute confiance à la justice pour mener à bien les investigations nécessaires », indique Me Stéphane Diboundje.
« Après sa disparition, nous pensions qu’il se cachait peut-être quelque part ». Lyly Mavinga Ngonga, présidente de SOS Femmes à Amiens, soutient la mère d’Antonio.
« Après sa disparition, nous pensions qu’il se cachait peut-être quelque part ». Lyly Mavinga Ngonga, présidente de SOS Femmes à Amiens, soutient la mère d’Antonio.

«Je ne vis plus, je ne dors plus»

Valéria Kiabanza attend beaucoup de la justice. « Ce qui me rend malade, c’est l’incertitude. Ils me doivent la vérité (…) Je n’ai pas le sentiment qu’Antonio est mort. C’est un gentil garçon, il a une bonne réputation », réagit-elle. Employée à la ville de Cachan, elle y élève seule avec les quatre petits frères d’Antonio âgés 19, 17, 14 et 10 ans. « Le choc est immense. Je ne vis plus, je ne dors plus, j’ai beaucoup de mal à travailler. Mes enfants sont très perturbés. C’est dur pour tout le monde ».

« Ma cliente est plongée dans un désarroi total et vit au quotidien avec un impérieux besoin de réponse sur le sort réservé à son enfant. L’incertitude l’empêche de faire son deuil mais elle fait toute confiance à la justice pour mener à bien les investigations nécessaires », réagit son avocat Me Stéphane Diboundje.

source : https://www.courrier-picard.fr/id548551/article/2024-08-05/lenorme-souffrance-de-la-mere-dantonio-disparu-en-mai-2023-amiens-ce-qui-me-rend