justice
La difficile question de la légitime défense
La légitime défense, tout le monde croit savoir de quoi il s’agit. Mais pour que son application soit faite en justice, ce n’est pas si simple. Parce que cette notion doit répondre à des éléments bien précis. Il ne doit notamment pas y avoir de « disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ». Le réalisateur Olivier Pighetti s’est penché sur cette question de la légitime défense. Il a suivi, pendant de longs mois, trois affaires, dont l’une dans la Somme. Son reportage « Défense légitime », est diffusé ce mardi, à 20 h 55, sur France 5.
La légitime défense n’est pas couramment retenue par la justice française. Dans le documentaire, on suit l’histoire de Kevin Dormy, 30 ans, qui en a bénéficié. Dans la nuit du 28 juin 2014, à Ham (Somme), un homme de 47 ans, père de cinq enfants, décède dans une bagarre survenue sur la voie publique. Après avoir reçu un coup de poing, l’homme est tombé sur le capot d’une voiture avant de s’écrouler au sol. Il est décédé à l’hôpital.
Kevin Dormy a toujours reconnu être l’auteur du coup de poing. Mais il a expliqué qu’il ne pouvait pas agir autrement. L’enquête a conclu que cette nuit-là, le trentenaire est tombé dans un guet-apens. Le juge d’instruction a conclu à un non-lieu en faveur du Samarien. Les juges de la chambre de l’instruction, après appel, sont parvenus à la même décision. Pour eux, Kevin Dormy « ne peut être considéré qu’il a recherché l’affrontement ou à envenimer une situation potentiellement dangereuse pour lui, qu’à l’inverse, il a subi la situation ». Ils soulignent que l’homme était agressé par plusieurs personnes, et pour ce qui concerne le coup fatal qu’il a porté, « il y a eu une stricte équivalence entre le coup de poing à la tête qu’il a porté et le coup de poing à la tête qu’a tenté de porter Dany Coutre ». Les caméras filment notamment le trentenaire quand il apprend par la voix de son avocat Me Stéphane Diboundje, que le non-lieu est retenu. Elles sont là aussi pour comprendre le combat des proches de la victime et de leurs avocats, Mes Jérôme Crépin et Guillaume Combes.
Elle tue son mari qui la battait, il tue son braqueur
Le documentaire relate deux autres affaires, qui, elles, sont allées jusqu’au procès, à savoir la cour d’assises, où les auteurs de l’homicide risquent de très lourdes peines de prison. On retiendra la tendance de la justice à prononcer des peines symboliques plutôt qu’à acquitter. C’est le cas Fatiha Taoui, 43 ans. Elle a abattu son ex-mari d’un coup de fusil en 2013 à Limoges. L’homme, qui la violentait depuis des années, avait été condamné trois fois pour violences conjugales, et il avait interdiction d’entrer en contact avec elle. Ce jour-là, il a débarqué chez elle, armé du fusil, en la menaçant. Après un corps à corps, elle appuiera sur la gâchette. Elle sera condamnée à 5 ans de prison, dont 3 ans avec sursis. « La cour a tenu à rappeler son obligation de sanction eu égard aux faits, mais elle a été soucieuse également d’y ajouter la possibilité d’un aménagement de peine », avait indiqué le président.
La troisième affaire est celle du « bijoutier de Nice ». En 2013, Stéphane Turk a abattu d’un coup de pistolet un homme de 19 ans qui braquait son commerce. En mai dernier, il a été reconnu coupable de « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Verdict : 5 ans de prison avec sursis. Son avocat a parlé d’un « acquittement Canada Dry ».
Défense légitime. Ce mardi 16 octobre, 20h55 sur France 5. rediffusion le 29 octobre à 00h30.
source courrier picardhttp://www.courrier-picard.fr/142583/article/2018-10-15/la-difficile-question-de-la-legitime-defense