«En me licenciant, la Ville d’Amiens me condamne d’avance »
Les faits
Le 11 avril dernier, un agent de maîtrise du service nettoiement de la Ville est interpellé sur son lieu de travail et placé en garde à vue. Il est soupçonné d’avoir mis la pression sur des contrats aidés pour obtenir de l’argent contre des promesses d’embauche. Quatre agents ont porté plainte. Le parquet a ouvert une enquête et mis en examen l’Amiénois, placé 11 jours en détention. Il est poursuivi notamment pour corruption passive.
Une procédure disciplinaire indépendante a aussi été menée par Amiens Métropole, son employeur. Saisi, le conseil de discipline a rendu ce jeudi un avis favorable à sa révocation.
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Amiens Métropole peut-elle condamner d’avance l’un de ses employés en le licenciant, sans même attendre les conclusions de l’enquête et le verdict des juges ? La question se pose de nouveau quatre ans après l’affaire de cet agent amiénois mis en examen dans le cadre des émeutes d’Amiens nord et qui avait finalement été blanchi par la justice. Cassé, l’homme avait engagé une procédure contre la collectivité au tribunal administratif, estimant qu’elle n’avait pas respecté la présomption d’innocence.
« Une décision qui repose sur 22 témoignages anonymes notamment »
Interpellé par la police en avril dernier sur son lieu de travail, et mis en examen parce qu’il est soupçonné d’avoir extorqué de l’argent à des collègues en contrat aidé contre des promesses d’embauche, cet autre agent de maîtrise du service nettoiement du secteur centre de la ville a le sentiment aujourd’hui de vivre le même cauchemar. « J’ai 15 ans de service derrière moi, et jamais connu un blâme, ni de sanction et aujourd’hui, on veut me condamner d’avance. Mais que voulez-vous que je fasse, moi, à 55 ans ? Jamais je ne pourrais recommencer ma vie », se défend aujourd’hui l’employé, sous le coup d’une procédure disciplinaire – indépendante de la procédure judiciaire en cours.
Dans le cadre de cette enquête administrative, la Métropole, qui demande la révocation de l’employé en question, a saisi le conseil de discipline, qui a émis ce jeudi 11 octobre un avis favorable à sa révocation.
« Il ne s’agit que d’un avis qui n’a pas encore été notifié à mon client. Mais lorsqu’il le sera, nous déposerons un recours », indique son avocat Me Stéphane Diboundje, qui réclame aujourd’hui la suspension de cette procédure disciplinaire en attendant la fin de l’instruction et l’intervention de la décision du tribunal. Car pour lui, cet avis est rendu après « une enquête administrative bâclée » lors de laquelle son client n’a jamais été interrogé.
« Au total, sur les 40 personnes de son service qui ont été entendues dans le cadre de cette procédure, quatre ont porté plainte et se sont constitué parties civiles. Nous ne les contestons pas et nous pourrons d’ailleurs répondre point par point à leurs allégations. Ce que nous contestons en revanche, ce sont les 22 témoignages de personnes anonymes qui livrent une version que l’on ne peut même pas vérifier, ni même confronter, puisqu’on ne sait pas qui ils sont », dénonce l’avocat, qui rappelle que son client reste aujourd’hui présumé innocent. « On ne peut pas dans notre pays condamner à mort socialement et professionnellement un homme par avance en se disant que l’on verra plus tard ce qu’en dit la justice. Les conséquences sont trop graves. »
Sollicitée, la Métropole précise qu’elle ne peut s’exprimer sur ce volet du dossier, l’avis du conseil de discipline ne lui ayant pas encore été notifié.