Meurtre à Amiens : «Il n’était plus chez lui»
Les hommes de la police judiciaire d’Amiens n’ont pas mis longtemps à identifier les suspects. Après la découverte du corps d’un homme de 45 ans, mardi après-midi, ils ont procédé à trois interpellations dès le lendemain mercredi. Une quatrième personne a été placée en garde à vue jeudi.
Un homme et une femme d’une vingtaine d’années font figure de suspects principaux. Il faut dire que dans cette affaire, ils n’ont pas été discrets pour échapper à leur identification.
Pascal (le prénom a été changé), habitait cet appartement de la SIP, au dernier étage du bloc 1 de cette résidence rue Narcisse-Lebel, dans le quartier du Faubourg de Hem d’Amiens, depuis deux ans. « C’était quelqu’un de très discret, gentilet courtois », assurent ces voisins. Le quadragénaire, père d’un enfant de 14 ans, s’est installé là après son divorce.
Titulaire d’un baccalauréat professionnel et diplômé dans le domaine de la cuisine, il a travaillé pendant 10 ans comme magasinier-cariste chez Faiveley Transport à Amiens, jusqu’en juillet 2017, juste après une grosse opération de la moelle épinière. Pascal souffrait de bipolarité, ce qui lui a valu d’être placé sous curatelle. Même si selon sa famille, cela n’a jamais occasionné de comportement violent chez lui, il était depuis quelque temps « pas bien, dans le tunnel », explique sa mère.
Sa mère : « Je me disais que ça allait mal tourner »
Cette dernière a vu son fils pour la dernière fois le jeudi midi, chez elle.
Pascal accueillait depuis quelques semaines des jeunes chez lui. Sa mère avait prévenu la police la semaine dernière : « Je leur ai dit qu’il y avait des squatteurs chez mon fils ». Cela n’a rien donné.
Les derniers « squatters », c’est ce jeune couple. Pascal ne les connaissait que depuis le week-end d’avant. Il leur a ouvert ses portes. Et les voisins ont constaté les premiers tapages.
«Je lui avais dit de faire attention aux gens qu’il accueillait». Parce ce que la maman sentait le danger: «Depuis trois mois, je me disais que ça allait mal tourner».
« J’avais l’impression qu’il n’était plus chez lui », témoigne cette jeune femme. Elle reste choquée, bouleversée d’être soumise à la vue d’une grosse tache de sang sur la fenêtre de Pascal, juste en face de chez elle.
Tout a basculé jeudi après-midi. Il faisait chaud, toutes les fenêtres étaient ouvertes. Et le voisinage a tout entendu. Cette jeune femme tout d’abord, qui fumait une cigarette à l’extérieur. Elle a distinctement entendu le jeune squatteur lancer « je vais te flinguer la gueule », « je vais te tuer ». « Je faisais ma vaisselle, et j’ai entendu du boucan, des verres qui se brisaient », témoigne une autre. La voisine de palier a entendu la même chose. Personne n’a, en revanche, entendu de cris ou d’éclats de voix. Un homme, qui fumait sa cigarette, est monté pour râler, parce qu’un objet avait été lancé depuis la fenêtre de Pascal. Ce sont ses agresseurs présumés qui lui ont répondu, à la porte de l’appartement : « On contrôle la situation ».
Le voisin de palier raconte : « Quand je suis rentré, vers 18 h 45, le jeune était assis dans l’escalier, et la jeune femme fermait la porte de l’appartement à clé. Ils ont dit « bonjour », ils étaient calmes. Ils sont partis tranquillement à pied ». De nouveaux bruits, comme des meubles que l’on déplace, ont été entendus au cours de la nuit, entre 1 heure et 2 heures, durant une vingtaine de minutes. Puis plus rien. Jusqu’à la découverte du corps de Pascal, mardi en début d’après-midi, par les pompiers, qui sont entrés dans le logement en utilisant la grande échelle.
Pascal est décédé après avoir été roué de coups. Le couple aurait reconnu avoir exercé des violences. Mais selon nos informations, la jeune femme aurait mis en cause son père, qui serait venu après la violente scène, pour « finir » la victime. « Mon client nie catégoriquement ce point », réagit Me Stéphane Diboundje.
Les enquêteurs disposeraient, entre autres indices, des preuves que les agresseurs ont utilisé la carte bleue de la victime après les faits. Ils auraient également volé sa voiture, une Peugeot cabriolet, qui, en panne, avait été laissée sur la voie publique par Pascal. Les policiers ont retrouvé ce véhicule. La quatrième personne interpellée aurait peut-être participé à ce vol.
Les gardes à vue des personnes mises en cause ont été prolongées ce jeudi. Il est probable qu’elles soient déférées ce vendredi devant le procureur de la République en vue de leur mise en examen.