Stéphane Sztandarowski, 68 ans, a été condamné ce soir à cinq ans de détention pour des viols commis il y a un quart de siècle, à Amiens.
Demain samedi 27 juin 2015 sera le premier jour du reste de la vie d’Armelle, 36 ans. Ce vendredi soir, la cour d’assises l’a reconnue victime de viols perpétrés par son beau-père entre 1990 et 1993.
En matière de viol, la prescription est de vingt ans à compter de la majorité de la victime. Concrètement, elle peut porter plainte jusqu’à ses 38 ans quand bien même elle aurait été abusée à six ans. Armelle a 18 ans quand elle s’oppose pour la première fois aux attouchements que pratique sur elle Sztandarowski depuis qu’elle a 12 ans. Elle en a 26 quand elle informe sa mère des agressions qu’elle a subies. Elle en a 33 quand elle pousse la porte du commissariat d’Amiens pour porter plainte. Les policiers mettront seize mois à placer Sztandarowski en garde à vue. L’instruction se déroule normalement mais l’accusé est absent quand on veut le juger en mars dernier. Interpellé dans Amiens, où il dira avoir été victime d’un malaise, il est placé en détention provisoire jusqu’au procès, qui se tient donc un quart de siècle après les viols que dénonce Armelle. Son avocate Anne-Laure Pillon peut parler de « parcours du combattant ».
Parole contre parole
Autant dire que c’est parole contre parole. Comme le résume pour la défense M Diboundje : « Cet homme n’a pas d’antécédent judiciaire à 68 ans. Contre lui, il n’y a aucun élément matériel ni témoin oculaire. Il n’a jamais avoué en trois ans de procédure ». Et se tournant vers le jury, exclusivement masculin : « Lequel d’entre vous accepterait d’être condamné dans un dossier pareil ? »
Le doute qui doit profiter à l’accusé, Me Demarcq le développe d’une manière très concrète, face à un juré : « Je vais dire « monsieur, pendant la pause, vous m’avez volé mon portefeuille avec 500 euros dedans » et je vais le répéter. On pourra dire que je suis constant et modéré : je n’ai pas parlé de 5000 euros. Mais heureusement, ce ne sera pas à vous de prouver que vous ne m’avez pas volé. »
« Elle va renaître »
Constante et modérée : l’avocat fait référence aux adjectifs utilisés par l’avocat général Éric Boussuge qui croit en la version d’Armelle : « Elle n’en rajoute pas. Si elle avait inventé, elle aurait pu dénoncer des faits bien plus graves. Là, elle n’évoque que des pénétrations digitales pendant quelques mois, au début des attouchements ». Me Pillon aussi y croit, inconditionnellement, avec passion tant elle s’est attachée à sa cliente, au point de plaider en fauteuil roulant, le tibia et le péroné en miettes, simplement parce qu’un nouveau renvoi de l’affaire aurait été insupportable pour Armelle. L’avocate trouve les mots pour décrire les terribles répercussions du crime sur sa cliente. « Elle est reconnue travailleur handicapé. Souvenez-vous de la petite fille de 12 ans : elle voulait juste être heureuse en famille, puis devenir institutrice, avoir un mari, élever des enfants. Aujourd’hui, elle est incapable de tout ça, parce que le viol, c’est un meurtre psychologique… On tue l’âme. Mais il ne lui manque plus grand-chose. Elle va renaître. Elle a juste besoin de vous ».
Les jurés l’ont entendue. Et Stéphan Sztandarowski, l’a-t-il entendue hier matin quand elle s’est tournée vers lui : « Je suis persuadée que tu n’as rien oublié du tout, que tu sais parfaitement ce que tu as fait. Tu as bousillé des vies. Tu ne comprends pas ? C’est pas grave, tu ne fais plus partie de ma vie ».