Association Yves Le Febvre d’Amiens : des salariés dénoncent « un climat de peur » et de mauvaises conditions de travail

Publié le jeudi 3 avril 2025 à 3:33
Des salariés de l’association de protection de l’enfance Yves Le Febvre à Amiens décrivent un climat d’omerta au sein de la structure, de mauvaises conditions de travail et une peur qui s’est installée. La direction répond que la parole des salariés est « libre » et sans « restriction ».
« On voit bien que pour les gens qui ont dit quelque chose, il y a eu des conséquences« , raconte Marie*, salariée au sein de l’association Yves Le Febvre à Amiens. Depuis quelques mois, les employés n’osent plus parler et dénoncer les conditions de travail qui, selon eux, se dégradent depuis plusieurs mois. Certains disent venir travailler « avec la boule au ventre« .
En tant que représentant du personnel, Sébastien Leriche a dénoncé, dans plusieurs documents transmis à la directrice générale, la dégradation des conditions de travail des salariés avec une charge de travail excessive, une mauvaise gestion du personnel qui peut être changé de service du jour au lendemain et un problème de communication. « C’est une omerta avec beaucoup de salariés qui sont dans une énorme souffrance« , explique-t-il. Un ancien éducateur de l’association raconte qu’il venait « travailler avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête« . Il relate qu’il recevait chaque jour des ordres contraires de ses supérieurs, et craignait sans cesse de recevoir un avertissement. Plusieurs témoignages font état d’une hiérarchie qui pousse ses salariés « à la sortie, à aller voir ailleurs », en cas de contestation.
Une plainte pour harcèlement moral
Une procédure de licenciement a été engagée contre Sébastien Leriche, qui a finalement été refusée par l’inspection du travail. Il a déposé une plainte pour « harcèlement moral » contre la directrice de l’association Yves Le Febvre, en février. L’avocat du représentant du personnel, Stéphane Diboundje, s’interroge : « Une fois que l’inspection du travail dit qu’il n’y a pas de faute et qu’on lui écrit en lui disant qu’on l’accueillera à bras ouverts pour le réintégrer, c’est qu’en réalité, ils n’avaient pas grand-chose contre lui. Pour quelle raison voulaient-ils le licencier ? Sans doute pour le faire taire par rapport à ce qu’il avait dénoncé ».
La directrice de l’association, Delphine Personne, se défend sur la situation au sein de la structure : « La parole est libre, il n’y a pas d’omerta. Certains sont parfois en conflit, en colère, mais il n’y a pas de restriction de la parole« . Elle poursuit en assurant « être là pour trouver des solutions aux problèmes » et insiste « si de telles dérives étaient avérées, elles auraient été identifiées » par les nombreux contrôles auxquels l’association est soumise. Elle reconnaît cependant une situation de tensions autour de « l’organisation du temps de travail« , qui est en train d’être modifiée, mais que les salariés ont pu s’exprimer sur le sujet au cours de « réunions » qui ont été organisées.
Un climat « de peur »
C’est pourtant un véritable climat de « peur » qui est décrit par Marie, qui travaille au sein de l’association. « Je pense qu’on n’a jamais été aussi mal que sur cette période. Il y a du silence qui doit s’instaurer, c’est une demande qui a été faite à plus haut niveau », précise cette salariée. Pour le personnel, qui s’occupe d’enfants placés, « déjà que le travail n’est pas simple sur l’investissement, si on vient rajouter des problèmes qui n’existaient pas auparavant, les équipes ne peuvent pas tenir. Il y a eu une hécatombe d’arrêts maladies sur les derniers mois« , constate Marie.
Sébastien Leriche, lui, raconte sa situation personnelle, et la décrit comme représentative de celle d’autres employés. Il explique avoir été placé à un poste, il y a quelques années, pour lequel il n’était pas qualifié et en avoir souffert. Il insiste sur une charge de travail trop lourde. Au cours d’arrêts maladie d’une de ses collègues, il raconte avoir dû assurer seul le bon fonctionnement de son service, sans reconnaissance de la direction. Cette situation a abouti à la mise en place pour lui « d’un mi-temps thérapeutique avec une reconnaissance d’invalidité par la Sécurité sociale« .
*Le prénom a été modifié.